La Politique agricole commune : un système opaque ?

La Politique agricole commune (PAC) finance la gestion de l’agriculture au niveau de l’Union européenne, à travers des aides distribuées aux agriculteurs. Un système utile mais critiqué par certains exploitants qui lui reprochent d’être inéquitable…

Tracteurs

Lors des manifestations du début d’année 2016, beaucoup d’agriculteurs saluaient le système des aides de la PAC, mais en critiquaient sa répartition. © Photo Alexandre Bergalasse

Ploubezre, dans les Côtes-d’Armor. Alain*, éleveur de bovins, touche les aides de la PAC comme tous ses collègues de la région. Pour ses bêtes, il a le droit à 30.165 euros d’aides par an, soit plus de 2.500 euros par mois. À quelques kilomètres de chez lui, dans la commune de Plouaret, on retrouve Renaud*, un producteur laitier qui lui ne touche que 2.500 euros d’aides de la PAC par an. Un écart considérable que l’on peut retrouver dans l’ensemble du secteur agricole français aujourd’hui. De quoi créer un impressionnant fossé économique entre les agriculteurs.

Comment ces aides sont-elles attribuées ?

Ces différences de montants proviennent des critères de distribution des subventions accordées par la Politique Agricole Commune au niveau de l’Union Européenne. Depuis la réforme de la PAC en 2015, leur répartition se fait en trois parties avec des aides découplées, des aides couplées et d’autres plus spécifiques.

Les aides découplées :

  • Le paiement de base, appelé DPB, (Droit au Paiement de Base). Il est versé en fonction de la surface de chaque exploitation. Celui-ci est calculé à partir du montant « historique » des aides touchées par l’exploitation pour chaque hectare en 2014.
  • Le paiement vert. Il est distribué aux exploitations lorsqu’elles contribuent à l’entretien de surfaces d’intérêts dits écologiques. Cela passe alors par le maintien des prairies ou/et avoir au moins trois cultures différentes.
  • Le paiement re-distributif. Il permet de valoriser des productions à forte valeur ajoutée et des secteurs de production qui recrutent beaucoup malgré la taille de leur exploitation, inférieure à la moyenne nationale.

Les aides couplées :

Elles sont principalement distribuées pour aider un secteur spécifique, très majoritairement l’élevage bovin.

Des aides plus spécifiques :

Elles peuvent se manifester sous plusieurs formes :

  • Des indemnités compensatoires de handicap naturel. Cela passe par le maintien de l’activité agricole dans les zones défavorisées, comme la montagne par exemple.
  • Des plans de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles. Elles ont     pour but de soutenir les investissements des agriculteurs.
  • Des aides à l’exploitation pour les jeunes agriculteurs, afin d’encourager leur installation.
  • Des mesures agro-environnementales et climatiques et des aides pour le bio. Elles ont pour objectif de soutenir les exploitations conciliant résultats économiques et     protection de l’environnement.
  • Une participation à la gestion des risques. Elle peut être adressée pour financer les assurances.

  Le cas d’Alain *

Pour percevoir ses 30.165 euros annuels, Alain compte déjà 21.224 euros de droit au paiement de base pour ses 60 hectares d’exploitation. Puis, il reçoit également des aides couplées, dédiées spécifiquement à la production de la viande bovine, à hauteur de 8.185 euros.

Alain met également en place des mesures agro-environnementales. Sa production est jugée respectueuse de l’environnement, ce qui lui octroie 131 euros

Enfin, l’agriculteur perçoit des aides plus spécifiques d’un montant de 624 euros.

Alain fait partie de ceux qui ont manifesté au mois de janvier 2016. Même s’il considère que sa « situation économique n’est pas à plaindre », il constate d’année en année une baisse des aides de la PAC. « On sent que ça se dégrade », résume-t-il.

  Le cas de Renaud *

À 25 ans, Renaud vient de s’installer à son compte en tant qu’agriculteur. Il perçoit 2.420 euros d’aides annuelles pour son installation. Étant débutant, il n’a pas d’ « historique » de production et ne peut donc pas toucher le droit au paiement de base.

Il déplore une répartition des aides très inégalitaire : « Je ne touche pas beaucoup d’aides de la PAC, je suis obligé de travailler énormément pour toucher un revenu suffisant ». Renaud regrette que certains agriculteurs perçoivent des aides plus élevées qu’ils n’en ont besoin. « Pour certains, c’est juste un complément de leurs revenus. Nous, les jeunes, on se sent clairement délaissés ».

*Les prénoms d’Alain et Renaud ont été modifiés

Pierre Lepelletier