Des syndicats impuissants

Les syndicats ne sont pas sans ignorer le mal-être de beaucoup d’agriculteurs. En conséquence, certains proposent des services pour tenter de leur venir en aide. Mais sont-ils assez impliqués ?

FNSEA

La FNSEA, premier syndicat français agricole, a lancé des manifestations dans toute la Bretagne. © Photo Aubin Guéno

 

La FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), premier syndicat français a mis en place en 2013, le siteagricollectif.fr. L’initiative a pour objectif de regrouper toutes les aides mises à la disposition des agriculteurs. Un diagnostic économique des exploitations est alors proposé, puis, en fonction du résultat, des aides à la restructuration ou à la réinsertion. Le syndicat aborde seulement les aspects juridiques et financiers mais ne va pas au cœur du problème : la détresse morale de l’agriculteur. Et pour preuve, le moteur de recherche du site renvoie directement à la MSA lorsque le mot « suicide » est recherché.

D’autres solutions existent-elles ? Bernard Lannes, président de Coordination Rurale, s’en tient lui aussi à un regard économique, au même titre que la FNSEA. Il appelle à mettre en place le même système qu’aux États-Unis, dit de « protectionnisme éclairé ». Il s’agit de faire appel aux ressources disponibles dans les pays européens avant d’importer. Malgré ces belles paroles, son syndicat ne met que très peu d’actions en place. Seul le bureau du département du Gers a instauré un Samu social.

L’associatif prend le relais

Du côté de la Confédération Paysanne, un syndicat concurrent, l’approche est similaire. Là encore, le syndicat ne s’attaque pas vraiment au malaise. « Notre rôle est de mener une réflexion sur le système d’aujourd’hui, affirme Isabelle Alain, membre du bureau départemental de la Confédération Paysanne. Mais il y a des élus de notre syndicat qui viennent en aide aux agriculteurs dans l’association Solidarité Paysans. » Cette dernière propose avant tout une aide administrative. « Nous avons un mode d’intervention juridique. Un salarié et un bénévole se rendent sur le terrain et sont ensuite présents lors des audiences. C’est une enquête qui dure six mois au minimum, parfois jusqu’à deux, trois ans », explique Patrick Bougeard, président de Solidarité Paysans. Les enquêteurs rencontrent l’agriculteur et s’informent sur l’état de santé de son exploitation. « Notre but est de redresser financièrement l’exploitation. » Pour cela, l’association tente également de prendre en charge l’aspect psychologique. Mais dans les faits, elle ne fait que mettre des intervenants à disposition des agriculteurs pour les rediriger vers des psychologues.

L’action du Mouvement de Défense des exploitants familiaux (Modef) semble plus complète que celle de la FNSEA pour pallier ce mal-être. Ce syndicat redirige aussi les agriculteurs vers Solidarité Paysans, mais a souhaité en 2015 que la plupart de ses représentants suivent une formation « prévention suicide ». Ceux qui en bénéficient tentent d’apaiser les agriculteurs en détresse, puis les amène à se confier à un psychologue. Mais ce syndicat comptant très peu d’adhérents en Bretagne, l’impact est moindre.

Charles, éleveur de porcs et producteur céréalier, résume le ressenti général de beaucoup d’agriculteurs : le secteur va mal. « C’est impossible de s’en sortir avec les coûts de production qu’on a et tout ce qui nous pèse dessus depuis une vingtaine d’années. »

 

La crise agricole met ces agriculteurs dans une situation où l’’espoir est mince. Le rôle des syndicats reste faible, notamment dans l’approche psychologique, et cela renforce le sentiment de pessimisme et d’inquiétude. « De toute façon, nous, on cherche des solutions mais on sait très bien qu’on ne s’en sortira pas. On va finir par crever ! », lâche, dépitée Isabelle Alain.

Victor Donadei & Aubin Guéno.